La Fédération Guinéenne de Football (FGF) est plongée dans une zone de fortes turbulences suite à la décision controversée de son Comité Exécutif de révoquer « provisoirement » son Président. Cette mesure, basée sur l’article 40 des Statuts, suscite une vive indignation et soulève de sérieuses interrogations quant à sa légalité, sa légitimité et ses implications pour la gouvernance du football guinéen.
Un Oxymore Juridique : La « Révocation Provisoire » Mise en Cause
Dès le premier point, l’analyse juridique du texte est sans appel : le concept même de « révocation provisoire » est une aberration. Comme le souligne l’article, la révocation est par nature définitive, emportant la perte irrévocable d’un mandat. Si l’intention était de suspendre temporairement le Président de ses fonctions, le terme juridique approprié aurait été « suspension », une mesure qui, contrairement à la révocation, exigerait un cadre clair, des motifs précis, une durée limitée et le respect scrupuleux du droit à la défense.
Atteinte à la Souveraineté de l’Assemblée Générale : Un Dépassement de Pouvoirs ?
Le texte met en lumière une violation potentielle des Statuts de la FGF. Les articles 26 et 40 sont clairs : la prérogative de révoquer un membre d’un organe, et a fortiori le Président, revient exclusivement à l’Assemblée Générale, organe souverain de la Fédération. En s’arrogeant un pouvoir de révocation unilatéral et provisoire, le Comité Exécutif est accusé de s’immiscer dans les prérogatives de l’Assemblée et de compromettre l’équilibre institutionnel. Son rôle est d’exécuter les décisions de l’Assemblée, non de s’y substituer par des décisions aux conséquences politiques et médiatiques considérables.
Absence de Garanties Procédurales : Une Décision Suspecte
La procédure employée par le Comité Exécutif contraste fortement avec les garanties prévues pour une révocation statutaire par l’Assemblée Générale. Cette dernière exige une proposition motivée, une communication préalable, un vote à bulletin secret et la possibilité pour la personne concernée de se défendre. Autant de garde-fous absents de la décision du Comité Exécutif, qui n’a précisé aucun motif d’urgence, n’a accordé aucun délai de défense, n’a défini aucune durée à la révocation et n’a prévu aucun recours ni vote secret. Ce manque de transparence ouvre la voie à l’arbitraire et bafoue les principes fondamentaux de bonne gouvernance, d’équité et de transparence.
Majorité Insuffisante : Un Équilibre Démocratique Fragilisé
L’article 40 des Statuts stipule clairement qu’une révocation par l’Assemblée Générale requiert une majorité qualifiée des deux tiers des voix exprimées, par vote secret. Cette exigence souligne la gravité et le caractère exceptionnel d’une telle décision. Or, la révocation « provisoire » du Comité Exécutif semble avoir été décidée à une simple majorité des membres présents ou votants. Cette disparité de traitement risque de court-circuiter la volonté démocratique exprimée par l’Assemblée Générale, remettant en question la légitimité de la décision.
Conflit d’Intérêts : Le Comité Exécutif, Juge et Partie ?
Une autre critique majeure soulevée par l’analyse concerne le rôle du Comité Exécutif, qui se retrouve à la fois juge et partie dans cette affaire. En s’autorisant à écarter, même temporairement, l’un de ses propres membres, en l’occurrence le Président, le Comité pourrait être perçu comme agissant dans son propre intérêt. L’article 40, initialement conçu pour la révocation de membres d’autres organes, semble être détourné de son objectif, ouvrant la porte à une possible instrumentalisation pour neutraliser des opposants ou un Président jugé « gênant ».
Un Timing Questionnable : Une Décision Injustifiée ?
Enfin, le contexte actuel soulève des interrogations légitimes. L’annonce d’une prochaine Assemblée Générale rend la décision du Comité Exécutif d’autant plus surprenante. En l’absence d’une urgence avérée, cette révocation « provisoire » apparaît comme une manœuvre politique visant à affaiblir ou écarter un Président élu, d’autant plus qu’elle ne respecte ni l’esprit ni la lettre des Statuts.
Par ailleurs, les Statuts et Code Électoral de la FGF sont totalement muets sur la procédure d’organisation de l’élection du nouveau président. Les candidatures sont-elles ouvertes, où elles sont limitées aux membres de la liste du president « révoqué »? Toutes les conditions d’éligibilité, dont l’enquête d’habilitation, sont elles exigées?
Quid de l’applicabilité de la jurisprudence Mathurin Bangoura? En effet, la commission électorale avait invalidé la tête de liste du candidat Mathurin Bangoura lors de la dernière élection de la FGF, et celle de tous les inscrits sur sa liste.
Une Dérive Dangereuse pour la Démocratie du Football Guinéen
La décision du Comité Exécutif de révoquer « provisoirement » le Président de la FGF est loin d’être anodine. Juridiquement fragile, elle constitue une atteinte potentielle à la souveraineté de l’Assemblée Générale et un dangereux précédent pour la démocratie interne de la Fédération. Le manque de transparence et de garanties procédurales ouvre la voie à l’arbitraire et met en péril les principes fondamentaux de bonne gouvernance. Alors que la FGF est censée incarner les valeurs de transparence et de responsabilité, cette affaire risque de laisser une tache indélébile sur son image et de fragiliser durablement ses institutions. L’issue de cette crise et les réactions de l’Assemblée Générale seront scrutées de près par l’ensemble des acteurs du football guinéen et au delà.
Source : Guineenews.org