Chef de la Rubrique sport au quotidien officiel marocain ‘’Le Matin’’, Abderrahmane Ichi a accordé une interview à l’envoyé spécial de votre site au Maroc. Il revient sur le parcours des équipes africaines lors du Mondial 2018, le vote pour l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde 2026, le vote de la Guinée contre le Maroc et parle également des ambitions du Royaume chérifien pour l’édition de 2030.

Guineesports.net : Les cinq représentants africains sont tous tombés lors du premier tour de la Coupe du monde 2018. Quel regard portez-vous sur ce parcours ?

Abderrahmane Ichi : C’est pour moi une déception totale, dans la mesure où l’on attendait beaucoup ces cinq sélections africaines. Sur le papier, elles étaient considérées comme étant de bonnes équipes. Mais au final, on s’est aperçu que nous sommes encore loin du haut niveau, même si le Sénégal par exemple est passé tout près de la qualification. Malheureusement, le système de fair-play instauré par la FIFA a eu raison du Sénégal au profit du Japon, en raison du nombre de cartons jaunes. Mais globalement, c’est une déception pour moi. Nous aurions voulu voir au moins deux sélections africaines en huitièmes de finale, voire en quarts comme ce fut le cas notamment du Cameroun en 1990 et du Sénégal en 2002. L’élimination prématurée du Maroc constitue aussi une grande déception, parce qu’on s’attendait à ce qu’il se qualifie pour le second tour, même si la poule était considérée comme étant la poule de la mort. Les Marocains avaient beaucoup d’espoirs quant aux possibilités des Lions de l’Atlas de franchir la phase de poules. Mais tel n’a pas été le cas, non pas parce que les adversaires étaient très forts, mais parce que le Maroc a mal entamé la compétition, avec une défaite concédée face à l’Iran, alors qu’il lui fallait absolument gagner cette rencontre, qui était la clé de la qualification. Les Lions de l’Atlas qui étaient désormais dans l’obligation de faire le jeu lors de leur seconde sortie, ont concédé une autre défaite face au Portugal. On peut tout dire sur l’arbitrage, mais c’est une deuxième défaite. Pour finir, le Maroc a fait un bon match face à une équipe moyenne d’Espagne, qui s’est soldé par un résultat nul. Je pense que c’est une élimination tout à fait logique et j’espère que les leçons seront tirées pour les échéances futures.

Le Maroc a perdu sa bataille pour l’organisation de la Coupe du monde 2026 au profit du trio Etats-Unis-Canada-Mexique. Qu’est-ce que cela vous inspire comme réaction ?

Permettez-moi de vous dire que par rapport au vote qui s’est déroulé lors du 68ème congrès de la FIFA à Moscou, le Maroc a eu un grand mérite, c’est-à-dire la reconnaissance internationale par rapport à sa capacité d’organiser une Coupe du monde à 48 équipes. Le fait de voir le dossier marocain validé par la Task force, après tout ce qui a été dit au départ, prouve tout simplement que le Royaume chérifien est en mesure d’organiser cette compétition planétaire. A mon avis, les Associations nationales membres de la FIFA ont plutôt voté par pragmatisme, parce qu’il ne faut pas oublier que la Coupe du monde 2026 aux USA-Canada-Mexique rapportera à la FIFA plus de 14 milliards de dollars, tandis qu’au Maroc ce sera environ 7 milliards. Comme vous le savez, aujourd’hui c’est le foot business qui prévaut et même le Président de la FIFA, après le vote, a affiché sa satisfaction par rapport à ce que va rapporter cette Coupe du monde 2026. Les Associations membres ont voté pour United 2026 pour espérer avoir plus de subventions de la part de la FIFA, qui permettent souvent à celles-ci de fonctionner. Mais, je pense que le Maroc n’a pas à rougir de sa campagne et du nombre de voix obtenues. On espérait par exemple que toute l’Afrique allait faire bloc derrière la candidature marocaine, mais certains pays pour des raisons qui leurs sont propres, ont décidé de voter pour le trio. Je garde dans ma tête cette reconnaissance envers le Maroc de la part de la FIFA, qui prouve que ce pays est capable d’organiser non pas une Coupe du monde à 32 équipes, mais à 48 équipes, avec une note de 2,7/5.

La Guinée qui entretient pourtant de très bonnes relations avec le Maroc sur les plans politique et sportif, a voté pour United 2026 au détriment du Maroc, à l’instar de 10 autres pays africains. Quels sont vos sentiments à propos ?

C’est vrai, 11 votes africains sont partis vers United 2026. En tant que journaliste sportif, je ne suis pas étonné pour certains votes, dans la mesure où certains pays comme le Liberia, l’Afrique du Sud ou la Namibie avaient clairement affiché leur volonté de voter pour le trio. Concernant la Guinée, je suis très étonné, surtout que le président de la Fédération guinéenne de football était considéré comme un ambassadeur de la candidature marocaine. Finalement, il a dit qu’il a voté mais que la machine a décidé autrement (rires). C’est sa version des faits et cela n’engage que lui. Mais, c’est regrettable que la Guinée vote effectivement pour United 2026 et non pour le Maroc. Je veux une explication franche de la part d’Antonio Souaré, parce que cette version relative à l’histoire de la machine, ne peut convaincre personne. Aujourd’hui, le Maroc doit analyser pourquoi ces onze pays africains ont voté contre lui, afin de rectifier le tir pour 2030. En résumé, c’est inconcevable que des pays du continent ne soutiennent pas une candidature africaine portée par le Maroc.

Le Maroc a décidé de se porter candidat pour l’organisation de la Coupe du monde 2030. Pensez-vous que le Royaume chérifien parviendra enfin à obtenir le précieux sésame ?

Si vous me demandez si le Maroc doit postuler pour 2030, je vais répondre par oui. Mais si vous me posez la question de savoir si le Maroc va gagner la bataille, je vous répondrai que je ne sais pas. A l’heure actuelle, personne ne connait comment sera le vote de demain, ni les pays candidats pour l’organisation de ce Mondial 2030. Si le Maroc doit postuler, je pense qu’il lui faut d’avoir obtenir à cent pour cent le vote des pays africains. Ensuite, il lui faudra chercher beaucoup d’alliés dans le monde arabe et ailleurs. Je pense que les prochains candidats n’auront pas le même poids que les Etats-Unis, qui ont fait de l’intimidation à travers le président Trump. Pour l’édition de 2030, le Maroc doit mettre tous les atouts de son côté, en corrigeant toutes les imperfections constatées, en améliorant les infrastructures et tout ce qui est logistique. Même si 2030 coïncide avec le centenaire de la Coupe du monde et qu’une candidature Argentine-Uruguay-Paraguay serait en vue. Malgré tout, je pense que notre continent a de grandes chances que la Coupe du monde de la FIFA revienne en Afrique, après l’édition de 2010.

Propos recueillis à Casablanca par

Mamoudou Bory Bah